10 - Les grands domaines et la Révolution
XVII° au XVIII° siècle
Avec l’abbaye de Saint
Sulpice et celle de Saint Melaine de Rennes une dizaine de
« maisons » se partagent le territoire de la paroisse de Betton.
Au fil du temps la seigneurie de Betton passe de la famille de Saint Gilles
aux Rieux puis aux d’Argentré. A la veille de la Révolution, Betton est
aux mains des Montbourcher. Vers la fin du XVI° siècle, un personnage
emblématique décide de s’installer sur le territoire. Il s’agit d’Olivier
Baud, trésorier des guerres de François II, Duc de Bretagne.
Le
comportement de ce bourgeois, enrichi par la fonction qu’il occupe, laisse
supposer un personnage empreint d’une certaine mégalomanie. N’a-t-il
pas eu un temps, l’idée de se construire une habitation sur le sommet de
la tour de l’horloge à Rennes. Ainsi cherchant un endroit tranquille et
isolé, Olivier Baud se rend propriétaire de la maison forte de la Boulaye
(Boulais).
En 1470, François II reconnaissant le domaine de la Boulaye
comme domaine noble, autorise la construction d’une fuie* et l’aménagement
de douves et talus.
Des garennes sont levées dans les environs de la
demeure. En l’absence d’un ruisseau au débit suffisant pour la
minoterie, un moulin à vent est construit sur les parties hautes du
domaine. C’est seulement vers la fin du XV° siècle que le grand manoir
de pierre va remplacer la simple maison fortifiée.
Se calquant sur la
tradition bretonne, Jean Baud, le successeur, va commencer la construction d’une
grande bâtisse dont le plan en T est desservi sur ses trois étages par une
tour d’escalier à demi hors œuvre.
Ouvert au sud sur une cour interne,
le manoir est entouré d’une boulangerie, d’une écurie et autres
dépendances spécifiques à l’architecture de ce temps. Une chapelle
située sur l’extérieur du pourpris* sert les offices pour la maisonnée
et les domestiques. On y pratique même des mariages. Un grand vivier, une
série de jardins et vergers assurent une partie de la subsistance des
occupants. Les rentes perçues sur les métairies complètent les avantages
obtenus par la charge accordée par le Duc de Bretagne. Comme les seigneurs
de Betton, les familles qui se succéderont à la Boulais auront droit de
justice.
Ce droit ne sera aboli qu’à la Révolution. Au fil des mariages
et des ventes, le domaine de la Boulais passera entre les mains de plusieurs
familles appartenant à la noblesse de robe du Parlement de Bretagne.
Sur le secteur de Betton,
quelques autres fermes riches et manoirs se remarquent. On peut citer
Roulefort, la Busnelais, la Quinvrais, la Mévrais, etc... Mais, aucune de
ces entités foncières n’atteindra le prestige de la Boulais Baud.
Cette construction à pans de bois, typique du
XVII° siècle, ne passe pas inaperçue dans l’environnement rural. D’autres
familles rennaises comme les Tronjolly possèdent terres et habitations sur
la paroisse
Si, comme toutes les
paroisses rurales, Betton reste quelque peu en marge de la Révolution, les
changements les plus notables furent ceux de la création d’une
municipalité, ou encore l’abolition de certains privilèges de la
noblesse. Pour l’homme moyen, les fêtes des décadies, avec l’obligation
d’un prêtre jureur* à la tête de la paroisse, furent probablement parmi
les changements les plus significatifs. Quelques familles restées fidèles
à l’ancien clergé protégeront des membres du clergé traditionnel. La
vente des biens de l’église et de la noblesse échappe aux familles de
Betton. Le ’’château’’, ruiné depuis les troubles de la Ligue, ne
cristallise aucune revanche agressive.
Cependant quelques
changements significatifs vont modifier ce coin de territoire. La
canalisation de la rivière d’Ille, pour la rendre navigable, est vécu
comme un événement important pour la population. Prise par Louis XVI le 31
octobre, cette décision ne fut effective qu’après l’arrêté
consulaire du 21 pluviose de l’an XII (11 février 1804) signé de
Bonaparte. Il faudra 28 années d’un épuisant travail pour que le 28
octobre 1832, Louis Philippe ouvre les écluses à la navigation.
Par décision royale, des
cartes du pays sont dressées sous l’autorité des géographes Cassini
(père et fils). Elles matérialisent le réseau des communications
principales et l’essentiel des constructions liées au culte, à l’industrie,
aux demeures nobles. Après les premières tentatives cartographiques
lancées par les Romains, les cartes de Cassini sont les premières
reportant les détails du paysage.
Soucieux de pouvoir
communiquer d’un bout à l’autre du pays, les sémaphores du
télégraphe Chappe se multiplient. On en compte 740 sur le territoire
national. Celui de Betton est installé sur le clocher de l’église. Cette
installation a causé quelques désagréments aux bettonnais. au cours de
leurs travaux, les ouvriers chargés d’édifier les bras du sémaphore
fêlèrent la cloche de l’église. Mécontents du tintement de leur
cloche, de nombreuses paroissiens se plaignirent auprès des représentants
communaux.
Les effets de la
Révolution arrivent sur Betton avec un décalage et très atténués. La
rédaction du cahier de doléances donne l’occasion de quelques réunions
orchestrées par le Conseil de fabrique. Ces doléances, relativement
modérées pour les paroissiens, provoquent cependant quelques discours et
engagements mettant en avant certains personnages, comme Sauvé et Barbier.
La rédaction finale se limite à quelques revendications adressées au Roy
avec une réelle déférence.
Les événements qui se
succèdent dans un climat d’instabilité sociale et politique vont pousser
certaines jeunes gens à s’engager pour défendre la Nation. Ainsi
verra-t-on les frères Alleix, Jean-Baptiste Deroin, Joseph Guinguené,
Pierre Thouault, Louis Chouaran et bien d’autres, s’embarquer dans la
grande épopée des guerres conduites par Napoléon.