Simone et Léon : une vie d’ouvriers agricoles

 

« A dix ans, on est trop petit pour participer aux travaux de la ferme. Mais on est bien assez grand pour garder les vaches. »

Cet été 1932 est chaud, les pâtures sont sèches. Assis sur le talus, Léon surveille la Noiraude , la Claire et les autres bêtes du petit troupeau. Il s’ennuie un peu.

Le père est parti à la guerre en 1940. Maintenant, il est prisonnier. Simone est bien obligée d’aider à la ferme. « Y avait tellement de travail ! Tous les hommes n’étaient pas revenus. Alors avec les autres femmes on s’est mis à la tâche. J’avais douze ans. J’ai commencé par ramasser les pommes et j’aidais ma mère. Alors l’école on pouvait pas toujours y aller. »

Simone et Léon viennent de la terre. Depuis des générations leur famille a trimé au rythme des saisons.

« J’avais quatorze ans lorsque j’ai eu ma première embauche. A cette époque on allait sur le champ de foire où sur le Mail à Rennes. Il y avait deux ’’louées’’. Une en Juin pour les moissons et l’autre à la St Michel pour les travaux d’hiver. » Comme tous les hommes, Léon mettait un épi de blé à la poche de son veston pour que les patrons sachent que ses bras étaient à louer. « On se faisait beau ce jour là ! »

Les femmes elles, se paraient d’une fleur.  Pour Simone c’était un moment important « L’embauche se discutait dur ; Il fallait fixer le juste salaire. Et quand on était d’accord tope-là, le patron nous donnait un ’’denier’’, afin qu’il n’y ait pas de dédit. Y avait pas de contrat écrit dans ces temps là.  Ce qui était dit était dit ! On touchait le même salaire pour les trois mois d’été que pour les neuf mois d’hiver. Hein, fallait savoir gérer ! Tu te souviens Léon ? Mais on était heureux quand même.»

« Oui, oui, on n’arrêtait pas du matin au soir et six jours de la semaine. Quand venait la période des moissons, hommes et femmes allaient aux champs. Ensuite on se retrouvait avec ceux des autres fermes pour les battages. Nous les femmes on ’’brassait’’ les gerbes. Les hommes chargeaient les charrettes. »

Léon se souvient de ces longues journées de labeur : « on se levait à 3 h au soleil, ça fait 5 h aujourd’hui. On s’occupait d’abord des bêtes, on allait au trèfle et c’est seulement après qu’on prenait la soupe et le café. Ensuite on nettoyait l’étable et l’écurie. Vers neuf heures on prenait un solide casse-croute. Là on manquait de rien, y avait tout sur la table, les grande tartines, le lard et tout. Après, il fallait partir aux champs. On rentrait manger vers midi. Après le repas on allait faire ’’merienne’’ une petite demi-heure. Cette sieste était bienvenue. Ensuite on retournait aux champs jusqu’à 7h, 7h 30. »

Simone et Léon racontent les battages : « toutes les fermes alentour se donnaient la main. Quand on avait fini chez un, on passait chez l’autre. Même si le travail était long et pénible, on se retrouvait tous autour d’un bon repas. Les femmes ne ménageaient pas leur peine. Et quand la dernière batterie était terminée, on faisait la fête. On chantait et on dansait. Y en avait toujours un qui jouait de l’accordéon.»

« Quand j’ai débuté, dit Léon, les ouvriers dormaient souvent dans un coin de l’écurie. Ils avaient un petit espace pour leurs quelques affaires ? Les femmes dormaient à la ferme. Mais nous, on avait jamais froid avec les chevaux. Après, les fermiers avaient été obligés de nous fournir une chambre.» 

«Ah ! la paye, on n’avait pas beaucoup, mais on manquait de rien. » «  D’ailleurs on n’avait pas de grands besoins. Y avait pas la télé, pas de voiture, on avait seulement nos vélos » souligne Simone.

« Mais quand on s’est installé Simone et moi, c’était plus pareil. Alors on a eu notre maison à nous. Et puis, y avait plus beaucoup de travail. La mécanisation remplaçait les valets de ferme. Comme beaucoup d’autres, en 1957, j’ai quitté le travail de la ferme pour un autre métier. » 

«On était pas bien riche dans ce temps là, mais on était pas malheureux, pas comme les jeunes d’aujourd’hui ! »

Sur les chemins de la mémoire - Betton
http://cheminsdelamemoire.free.fr 

Dernière mise à jour : 19 mai 2003