Meurtre à Betton

Dehors il pleut, le vent tente de décrocher les dernières feuilles des grands chênes. La nuit a poussé les volets des maisons. Ils sont là, tous les trois silencieux, devant le crépitement de la cheminée Marion et Etienne surveillent les formes étranges que fait danser la lueur de la flamme sur les murs de la salle.. Le grand-père, accroché à son journal, lutte contre le sommeil.

« Dis donc grand-père c’est triste Betton, il ne s’y passe pas grand chose ». La question d’Etienne fait sursauter l’aïeul.

« Comment ! comment ! Mais si bien sur, chaque jour il se passe quelques évènements. Certains sont anodins d’autres sont plus graves. Et cela dure depuis la nuit des temps. Écoutez ce qui s’est passé il y a de cela un peu plus de deux siècles »

« Le 28 messidor de l’An III l’abbé Bligné est découvert mort, la gorge tranchée au lieu-dit la ruelle de la Belle Epine. C’est au nord-est de la commune »

« 28 messidor de l’An III c’est comme de la science fiction, ça n’existe pas en vrai ? »

« Ma petite Marion, les révolutionnaires avaient imposé un nouveau calendrier différent de ce que tu connais aujourd’hui. Le 28 messidor de l’An III correspond au 15 juillet 1795 »

« Tout ça me paraît bien compliqué, Continue qu’est-ce qui s’est passé le messidor ? »

« François Le Dieu, juge de Paix et officier de police du Canton de Betton a été appelé sur les lieux. Il est là avec le chirurgien Grallan pour constater le décès. D’après les observations et l’autopsie du corps, la mort serait due à deux larges et profondes plaies transversales sur la partie avant gauche du cou. Le citoyen chirurgien constate également un épanchement de sang sur la partie supérieure du cervelet. »

« Bouah c’est dégueugueu »

« Tais-toi Marion. Continue grand-père »

« Les blessures au cou sont bien responsables de la mort du prêtre. D’après le juge et Grallan, elles ont été faites avec un sabre ou un couteau à marc ou peut-être une hache. Les interrogatoires menés auprès de Perrine Gautier sa servante et de Joseph Cogranne le demi-frère de la victime n’apportent aucune information utile. »

« Mais alors on ne sait pas qui l’a tué ni pourquoi ? C’est un mystère ! »

« Tais-toi Marion. Continue grand-père »

« Peut-être s’agit-il d’un crime crapuleux. A-t-il été assassiné par les chouans qui refusaient les prêtres constitutionnels ? On sait seulement qu’en ce temps là, la guérilla de la Chouannerie, qui avait été calmé par le traité de la Mabilais, reprenait dans les campagnes. Les secteurs de Fougères, Vitré et toutes les communes voisines de la forêt de Rennes étaient soumis aux incursions de cette deuxième révolte. Et puis, il y avait aussi certains personnages peu recommandables qui, profitant de ces mouvements insurrectionnels, se livraient au brigandage. Le 3 mai 1796 on en a même fusillé deux pris sur le fait. Ils entraient de force dans les maisons de Saint Grégoire et Betton, agressaient les habitants et se livraient à un véritable pillage. »

« Tu peux nous expliquer les prêtres constitutionnels et le traité de la Mabilais ? »

« Il est tard Etienne et maintenant vous devez tous les deux allez au lit. On verra ça une prochaine fois. Aller Hop au lit ! »

« Dis donc, tu étais déjà né dans ce temps là grand-père ? »

« Est-ce que la porte est bien fermée à clé ? »

Les Chemins de la Mémoire

Sur les chemins de la mémoire - Betton
http://cheminsdelamemoire.free.fr 

Dernière mise à jour : 19 mai 2003