2002 - Des Fouilles Préventives sur Betton
Dans le cadre de son développement, la commune de Betton
prévoit l’implantation d’une ZAC au sud de son territoire. Avant la mise en
place de celle-ci, des tranchées de sondages ont été réalisées afin de
vérifier si des vestiges archéologiques étaient menacés par les futurs
travaux de terrassement. Ce diagnostic, qui a été assuré par des
archéologues de l’INRAP durant l’automne 2002, a permis d’identifier
trois sites archéologiques majeurs.
UNE OCCUPATION DU NEOLITHIQUE ANCIEN
Les restes d’une occupation néolithique ont été reconnus
à proximité du village de Pluvignon. Directement sous la couche de labour, les
sondages ont mis au jour cinq fosses néolithiques qui ont livré de l’outillage
en silex, de la céramique mais aussi plusieurs bracelets en schiste.
Plus de 800 éclats et outils lithiques ont été
décomptés. La plupart de ces objets sont en silex. Néanmoins, certains d’entre
eux sont en opale résinite, une roche provenant du Saumurois.
Parmi les outils recueillis, on trouve essentiellement des
burins et des grattoirs. Deux forets en silex ont par ailleurs été
identifiés. Les traces d’usure qu’ils présentent montrent qu’ils ont
été utilisés pour perforer des matières dures (roche ?
céramique ?). Enfin, une lame de faucille en silex qui comporte un lustré
laissé par la coupe de végétaux (céréales ?) est à signaler.
Dix-sept bracelets en schiste ont été découverts entiers
ou sous forme de fragments. Aucun de ces bracelets ne peut être considéré
comme achevé. Il s’agit plutôt de produits semi-finis arrivés à
différents stades de finition. En effet, certains d’entre eux portent encore
des traces de découpe, de polissage. Associés aux bracelets, trois petits
polissoirs en grès fin ont été mis au jour. Leur morphologie indique qu’ils
ont très vraisemblablement été utilisés pour le polissage des parures.
Plusieurs centaines de fragments de céramique ont par
ailleurs été exhumés des cinq fosses néolithiques. Le mobilier céramique
est d’un style homogène. Il est constitué de jarres, de bols et de
bouteilles qui sont parfois décorés (boutons, impressions).
En l’état actuel, l’occupation néolithique s’étend
sur au moins 5000 m² mais il est très probable que cette surface soit sous
estimée. L’étude préliminaire effectuée sur le mobilier lithique et
céramique permet de replacer l’occupation à la fin du Néolithique ancien
soit autour de 4500 ans avant J.-C.. Le site néolithique observé à proximité
du village de Pluvignon est à notre connaissance unique pour le bassin de
Rennes. A l’heure actuelle, un certain nombre de questions restent posées en
ce qui concerne la nature exacte du site. Il est peu probable que les fosses
mises au jour soient les seuls éléments constitutifs du site. Elles sont
vraisemblablement associées à d’autres structures qui n’ont pas été
identifiées dans le cadre du diagnostic. Les fosses mises au jour pourraient
par exemple correspondre aux fosses latérales ou annexes qui bordent les
habitations du Néolithique ancien. Mais pour le moment aucun bâtiment n’a
été reconnu de façon certaine. Plusieurs éléments nous permettent malgré
tout d’envisager la présence d’un habitat sur le secteur. Tout d’abord,
la quantité et la variété des objets recueillis nous semblent être de bons
indices. La présence de mobilier domestique (élément de faucille, fragments
de meules) renforce cette hypothèse. En ce qui concerne les bracelets, de
multiples questions restent également posées. Le lot de parures est
accompagné d’un certain nombre d’éléments spécifiques (polissoirs en
grès, un taux important de burins en silex…) qui ont, d’après une
première approche technologique, sans doute participé à leur fabrication
et/ou à leur finition. Une activité de production ou tout du moins de finition
de bracelets semble donc assurée sur le site de Pluvignon. D’après les
données en notre possession, le travail effectué sur les parures se situe
plutôt en fin de chaîne opératoire. Néanmoins, on peut se demander si d’autres
étapes (extraction, mise en forme…) de la chaîne opératoire n’ont pas eu
lieu sur le site. Sinon, sous quelle forme les produits sont–ils arrivés sur
le site ?
UN HABITAT GAULOIS
Sur le même secteur que celui qui a livré les vestiges
néolithiques, les sondages ont permis de reconnaître un probable site d’habitat
de l’époque gauloise qui s’étend sur plusieurs milliers de mètres
carrés. Celui-ci est matérialisé par un réseau très complexe de fossés qui
structurent l’espace (enclos, axe de circulation…). Des ensembles
constitués de trous de poteaux et de fosses témoignent également de cette
occupation gauloise et marque l’emplacement de constructions. Les fossés
gaulois qui atteignent parfois deux mètres de profondeur ont livré un abondant
mobilier archéologique. Celui-ci est essentiellement constitué de fragments de
céramiques souvent très bien conservés. Des fragments de meules, de torchis
ont également été recueillis dans le comblement des fossés. Le mobilier
céramique permet d’envisager une occupation relativement longue puisque les
productions céramiques qui ont été étudiées se situent dans une fourchette
comprise entre le début du IVème avant J.-C. et la fin du IIème siècle avant
J.-C.. A ce stade des recherches, les vestiges qui ont été observés évoquent
la présence d’un site d’habitat et plus précisément une installation
agricole.
UN HABITAT DU HAUT MOYEN AGE
Ce site du haut Moyen Age a été mis en évidence dans la
zone sud du projet entre les villages de la Bunelais et de la Lice. Le site est
marqué par la présence d’un système fossoyé, de fosses et de trous de
poteau qui apparaissent sous la couche de labour et sur une surface d’environ
deux hectares.
Le système fossoyé est constitué d’un réseau cohérent
et relativement dense de petits fossés orthogonaux grossièrement orientés
nord-sud/est-ouest. Les fossés mis au jour semblent organiser l’espace en une
série de lots. Des trous de poteau et des fosses ont été reconnus sur l’ensemble
du site. Toutefois, ces structures ont tendance à se concentrer sur certains
secteurs et indiquent, sans qu’il soit possible d’en restituer le plan, la
présence d’un ou de plusieurs bâtiments.
Du mobilier archéologique a également été recueilli. Ce
dernier est constitué de fragments de céramique, de fragments de meules en
granite et de scories de forge. D’après la céramique recueillie, l’essentiel
de l’occupation du haut Moyen Age se place entre le VIIIème et le Xème
siècle après J.-C. (période carolingienne). Certains éléments permettent
néanmoins d’envisager une occupation plus précoce (période mérovingienne)
mais aussi plus tardive (XI-XIIème).
Bien qu’il ne s’agisse que d’une étude préliminaire,
le diagnostic archéologique effectué sur la future ZAC de Pluvignon/La
Bunelais s’avère positif à plus d’un titre. Il apparaît, en effet, que le
micro-terroir que nous avons étudié a constitué un pôle d’attraction
depuis au moins 6500 ans. La variété chronologique des sites archéologiques
mis au jour est à souligner. Le site néolithique mis en évidence constitue
une découverte inattendue et inédite dans le bassin de Rennes. Le gisement est
prometteur pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les vestiges néolithiques
exhumés ne sont sans doute pas isolés et appartiennent très vraisemblablement
à un ensemble plus important. En d’autres termes, la présence d’autres
structures et plus précisément d’un habitat sur le secteur est probable.
Ensuite, les bracelets découverts mais également la présence d’un outillage
spécifique (burins, polissoirs…) permettent de penser qu’une des activités
du site était orientée vers la production (mise en forme ?
finition ?) de parures. Une étude fine des bracelets permettra sans aucun
doute d’acquérir des données technologiques sur leur fabrication.
Le site gaulois est particulièrement intéressant. Il s’agit
tout d’abord du premier ensemble dans le bassin de Rennes à avoir été
observé sur une telle superficie. Une étude fine du système fossoyé et des
structures excavées permettrait de définir la nature et l’évolution du
site. Cela est d’autant plus intéressant que le site a connu une occupation
longue. Ensuite, l’analyse des productions céramiques devrait enfin
contribuer à la mise en place d’un véritable référentiel typologique pour
le bassin de Rennes. Le site gaulois de Pluvignon pourrait donc constituer un
jalon important dans la connaissance du peuplement gaulois de la région.
Enfin, l’étude du site haut Moyen Age situé dans la
partie sud du projet devrait permettre d’enrichir nos connaissances sur l’habitat
rural du haut Moyen Age dans le bassin de Rennes. Le site présente un certain
nombre de caractères qui ouvrent des perspectives intéressantes tant du point
de vue fonctionnel que du point de vue chronologique. Soulignons que dans le
contexte régional et au stade actuel des recherches, les habitats du haut Moyen
Age étudiés sur des superficies importantes sont encore rares et sont situés
en dehors du bassin de Rennes.
Stéphane BLANCHET
Archéologue, Responsable de l'opération de diagnostic
INRAP