Ce siècle voit s’instaurer une véritable
politique de la médecine sociale. La lutte contre les épidémies s’organise.
Alors que Lavoisier préconise l’utilisation de l’oxygène pour l’assistance
respiratoire, l’autrichien M.A. Plenzic annonce au monde médical la
découverte des microbes. Ainsi les maladies, épidémies et autres
dérangements ne sont plus seulement des fléaux divins, mais résultent
de développements microbiens.
Pourtant, dans nos campagnes, on reste en marge de
ces grandes découvertes. Charlatans, guérisseurs et jeteurs de sorts
ont toujours une place importante dans les sociétés rurales. Même si
on va voir le médecin ou le chirurgien, ce sera en dernier recours. Le
réflexe porte en priorité les malades vers celui dont on sait qu’il
sait, celui qui a guéri la Marie Fauchon qu’est morte l’année
dernière. Celui qu’a remis la jambe du Gustin. Bien sur il boite,
mais avec sa canne il peut quand même se déplacer.
A Betton comme ailleurs la population se trouve
confrontée à ces personnages.
Le 8 juin 1786, Jean Duval recteur de Betton s’associe
à Jean Monnier et Jean Denis respectivement recteurs de Melesse et de
Mouazé pour alerter par un courrier l’intendant de Bretagne Caze de
la Bove des méfaits d’un couple de charlatans installé sur la
paroisse de Chevaigné.
Il s’agit de Joseph Déschamps et de sa femme Anne
Navarre qui se prétendant investis d’un savoir, pratiquent une
médecine aux effets dévastateurs. Habitant au village du Champ au
Bouin, le compère Deschamps est un ancien boucher que l’on connaît
ivre jour et nuit. Avec sa commère Navarre qui se déclare accoucheuse,
ils sont responsables de nombreux décès sur les paroisses voisines de
Chevaigné.
Une première intervention de Monsieur de la
Chalotais, procureur du Roy, n’a pas réussi à mettre fin à leur
commerce néfaste. La rumeur qui se répand dans les campagnes leur
attribue plus de cinquante morts chaque année. Le voisinage qui
connaît le couple se tient à son écart. Mais leur renommée fait
venir de loin de nombreux souffreteux vers le village du Champ au Bouin.
Espérant y trouver un soulagement, quelques-uns uns aidés par la
chance guérissent. Les autres quand ils survivent aux médications
empiriques, peuvent se satisfaire d’avoir échappé à un sort peu
enviable. Et puis, il y a ceux qui ne reviennent jamais.
Si le 15 novembre de cette même année, un autre
procureur général Jacques Raoul de Caradeuc constate que l’arrêté
du 18 juillet pris contre les charlatans a largement réduit les
mauvaises pratiques de la médecine, il est obligé de constater que
’’le médecin du Champ au Bouin’’ et sa femme poursuivent
toujours leurs pratiques lucratives. Inspection de urines, consultations
saignées, remèdes étranges et accouchements se perpétuant attirent
toujours autant d’étrangers vers la maison des guérisseurs.
Il faudra une information par les juges supérieurs,
qui requièrant au nom du Roy, contraindront sous la menace Joseph
Deschamps et Anne Navarre à cesser leur odieuse pratique. Cependant,
comme pour atténuer la sanction, on autorisera la dite Anne Navarre à
exercer l’état de sage-femme sous réserve qu’elle justifie d’un
certificat d’apprentissage.